usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

parti socialiste - Page 2

  • Le prix de l'étranger (II)

     

     

    Sans doute est-ce la perspective des lettres de cadrage ministérielles, à l'aune d'une rigueur budgétaire d'inspiration libérale qui nous vaut ce commentaire acerbe et politique du président de la République à propos des 12 millions d'euros touchés par Ibrahimovic au PSG : « Franchement, je pense qu'il y a un moment où il peut y avoir des limites, a-t-il souligné sur France 2. Des salaires sont manifestement trop élevés mais je ne veux pas rentrer (sic) dans ce débat aujourd'hui»

    Je tombe par hasard sur cette déclaration hollandaise (je veux dire du sieur François Hollande, roi de la gauche morale, normale, et tout, et tout , et tout...) et j'ai une pensée émue pour tous ceux qui n'ont eu comme seule pensée politique, depuis cinq ans, qu'un anti bling-bling sournois et suffisant, confondant la dialectique idéologique et la personne. Sarkozy était sinistre et ridicule : difficile de voir autre chose qu'un agité insupportable, mais cela suffit-il pour se complaire dans l'admiration béate de l'opposant. Ne pas voir en Hollande un homme du libéralisme masquant non son impuissance mais son refus d'agir à grands coups de tartufferies socialo-bien-pensantes, relève de la cécité coupable. Le choix du manifestement dans la déclaration est encore une fois la preuve par l'adverbe du fond caché d'un discours de complaisance. D'ailleurs, il n'y a pas urgence de justice sociale. Il ne veut pas entrer dans le débat. 

    Comme disait, il y a fort longtemps, un humoriste : « on n'est pas de droite, c'est pas vrai. On n'est pas de droite. Oh, encore moins de gauche, faut pas déconner... ». En attendant, une question me taraude : a-t-on prévenu ce cher Zlatan de l'augmentation probable de la CSG. À moins que ces protections qataris n'aient obtenu pour lui ce qu'ils ont pour eux :  une exonération d'impôts...



    Les commentaires sont fermés.

  • La politique blockbuster

    inro.jpg

    Fin de campagne. Dernier billet sur le sujet. Il sera bien temps après de penser à l'intérêt que cela avait et aux accrochages que cela a suscités. Pour l'heure, on se dit : dernier billet, conclusion dans le calme alors même que cela pue abondamment, que Sarkozy s'extrémise non par idéologie mais pour pratiquer la politique de la terre brûlée et faire que son camp ne s'en relève pas (et Marion Le Pen se délecte...).

    Finir en douceur une campagne âpre et ennuyeuse signifie imparablement célébrer les femmes pour trouver un peu d'espoir. Les femmes en politique sont la quintessence de la délicatesse, un autre regard, une démocratie apaisée. Du moins c'est ainsi qu'on me l'a vendu, cette équation femme politique, depuis que je suis jeune. Naïf (ou sensible) comme je suis, j'ai voulu y croire. De même, l'idée qu'avec le crépuscule sarkozyste s'achevait l'époque du clinquant et du m'as-tu-vu. Retour aux affaires (1) de la gauche. Du sérieux, de l'austère, du common man, de la madame tout-le-monde, de la modestie... La gauche, la vraie, dans toute la sincérité d'une tradition qui remonte à Jaurès et compagnie.

    C'est dans cet esprit, sans doute, que les Inrocks ont choisi de faire leur couverture sur la nouvelle garde socialiste. J'imagine que le Huron voltairien ou l'Indien de Montaigne voyant une telle photographie, à l'aveugle, déclarerait qu'il s'agit de quatre actrices réunies, à coup de fric, pour un blockbuster où l'on trouvera de l'action, du suspens, du sexe et de l'amour. On y trouve tout : le mélange cultural studies, la beauté un peu mystérieuse, la rudesse des regards, le chic retenu et le décontracté de marques. Le lecteur suppose qu'elles sont quatre sur la photo mais que le scénario a prévu que certaines s'affronteront. C'est un casting où chacune a un rôle, incarne une certaine ligne hollywoodienne, entre femme fatale et femme de tête, entre sévérité et sensualité, entre traîtrise et fidélité. L'Europe, l'Asie, le monde arabe : tout y est. Très mainstream. Les visages fermés, le sourire carnassier, le style un peu masculin et le rouge à lèvres qui claque. Toutes ensemble et déjà prêtes à s'entretuer. D'ailleurs le titre du film dit tout : Girl Power On a hâte d'y être. Pas de panique : elles arrivent, les Drôles de Dames de la rue Solférino. Et de se demander laquelle in fine terrassera les autres et trouvera l'amour dans les bras du magnifique héros dont l'affiche fait l'économie...

    Que les Inrocks tentent le coup d'une politique rock and roll n'étonne pas. C'est de leur niveau : bobos de gauche décalés et vaguement révolutionnaires du MP 3. Leur ligne d'horizon, fort basse, comme leur intelligence, ne peut guère viser autre chose. En revanche, que les égéries du PS se prêtent au jeu, qu'elles n'y voient qu'une stratégie de com supplémentaire, sans en saisir ni la puérilité (eh oui, les filles, vous ne serez jamais Uma Thurman ou Scarlett Johanson (2)) ni l'indécence, ni le déni que représente une telle posture, voilà qui consterne. Il ne s'agit pas d'être dupe : s'engager à ce niveau en politique n'est pas le fait d'enfants de chœur, de bons samaritains. Soit. Mais jouer avec les codes d'une pensée jeune (!) et illusoirement rebelle est pitoyable. Que la gauche aux aspirations moralisantes cède à la tentation n'est pas à sa gloire. Mais il y aura toujours des bonnes âmes pour m'expliquer que cela n'a absolument rien à voir avec Sarkozy et Carla, le Fouquet's, Nicolas et ses amis du show-bizz... Je ne vois pas la différence et je trouve que finir symboliquement ainsi qu'avait commencé l'histrion hystérique, c'est risible (sauf que je n'ai pas envie de rire, au fond...).

     

     

    (1)J'aime bien cette expression. Elle est savoureuse, car, dans la majorité ou dans l'opposition, quel parti politique a-t-il jamais quitté les affaires ? Ou pour l'écrire autrement : les affaires ont-elles jamais quitté les politiques ?

    (2)Je prends à dessein des exemples contemporains pour renforcer le ridicule. Il eût été infamant d'aller invoquer les mânes d'actrices authentiques...

     

  • De l'indécence...

    Ségolène Royal, que l'intelligence n'étouffe guère, et qui ignore, avec une souveraineté sidérante, la common decency, vient, dans l'épisode vaudevillesque des territoires charentais, d'ajouter une note supplémentaire au ridicule. On savait, depuis l'affaire des primaires socialistes, qu'elle était capable de toutes les manipulations. La plus grande d'entre elles consistait, défaite reconnue, à jouer la pauvre femme. Alors les larmes lui coulèrent, comme une de ces vierges magiques que la crédulité religieuse admire : battue, archi-battue, elle voulait alors que l'expression démocratique tournât à l'injustice majeure. Et pour cela, elle usa de ce subterfuge honteux de la féminité bafouée, de cet atour qui serait propre aux femmes : la sensibilité. Aux hommes la dureté impitoyable, aux femmes la délicatesse outragée. Peu importe que cela passât à la trappe la réalité historique et que ce fût une insulte aux femmes, si nombreuses, ne se reconnaissant pas dans ce stéréotype larmoyant. Il lui fallait bien cela pour masquer l'inanité de son discours.

    Ses 6 % socialistes n'ont pas entamé sa vanité ni son insolence. Battue dans le pré rose, elle a eu l'ambition du perchoir, montrant par là même qu'en certains milieux la défaite ne comptait pas, qu'elle n'était pas qu'anecdote. Hélas un médiocre charentais, de son camp, vient de lui faire mordre la poussière. Plus cruel : la compagne de son ex la poignarde dans le dos. Elle qui a tant magouillé pour maintenir sa médiocrité à flot se voit reléguer dans la charette des has been.

    Dès lors, comme à son habitude, il ne lui reste plus que la posture de l'indignation, et comme rien n'est pas jamais trop gros dans ce domaine, elle invoque non pas son statut politique mais sa situation particulière de mère. "Je demande le respect par rapport à une mère de famille dont les enfants entendent ce qui se dit..." déclare-t-elle le 14 juin. On cherche alors ce qu'il y a eu d'indécent dans les derniers jours, ce qui pourrait entacher l'honneur de la Vierge Marie-Ségolène. A-t-elle été attaquée dans ses mœurs, dans son honnêteté, dans son engagement ? On cherche et on ne trouve rien, sinon que le gueux Forlani a décidé de ne pas plier devant sa Majesté et que la nouvelle ne fait pas de cadeau à l'ancienne. Rien de quoi fouetter un chat, rien de quoi alarmer les féministes en chef ou les ligues de vertu...

    Rien qui puisse donner le droit d'invoquer la préservation des enfants, de leur honneur. Rien qui puisse nécessiter qu'ils soient préserver...

    surtout quand cette mère la vertu, moraliste et nombriliste, n'hésitait pas il y a vingt ans à faire la une de Paris-Match (quelle ironie...) à peine sa maternité accomplie...

    2-photos-people-politique-images-segolene-1-La-ministre-et-son-bebe-juillet-1992-Segolene-Royal_galleryphoto_paysage_std.jpg

    En femme moderne, sans doute, efficace, les dents rayant le parquet, et ne se souciant guère du droit à l'image et à la discrétion d'un enfant qui, il est vrai, n'était pas capable de comprendre, instrument passif qu'il était, ce qu'il venait faire dans cette histoire.



    Les commentaires sont fermés.

  • Casino Royal

    élections législatives,politique,parti socialiste,ségoène royal,olivier forlani,territoire

     

    J'évoquais dimanche le mépris d'une certaine classe politique, celle qui, visible et outrecuidante de sa notoriété, se croyait le droit de tout. J'avais alors illustré ce que pouvait être, en l'espèce, la lâcheté d'un Juppé ou d'une Vallaud-Belkacem. J'avais moqué la faiblesse des sans-grade de la députation qui servaient de godillots à une nomenklatura parisienne et ministérielle.

    La situation née de cette opposition radicale, entre une base que l'on traître comme des chiens (et à travers eux l'électorat à qui on demande surtout d'obéir plutôt que de voter en conscience) et une élite électorale se croyant tout permis, est magnifiquement illustrée par l'épisode rochelo-rhétais, dans lequel Ségolène Royal, parachutée méprisante et narcissique, se retrouve, pour un deuxième tour fratricide, face à un socialiste local. Il n'est pas question ici de se bercer d'illusions sur la force de l'inconnu qui, tout à coup, brave le pouvoir, de sonder les reins pour cerner ce qu'il y a là de courage politique ou de rancœur personnelle. Il ne s'agit pas de savoir s'il faut ou non éjecter tel ou tel du jeu politique. Ségolène Royal ne mérite pas en soi autant d'intérêt.

    En revanche, la dialectique du national face au local s'y exprime en toute clarté. C'est d'ailleurs, entre parenthèses, ce qui explique l'échec prévisible et souhaitable du burlesque Mélenchon en territoire minier (1). Il faut en effet se demander quel sens ont les parachutages prétentieux, quand on nous vante la décentralisation, l'ouverture vers les solutions de terrain, et la connaissance des gens (les gens... quelle belle dénomination) pour pouvoir répondre à leurs problèmes et à leurs angoisses. Il est clair que les charentais n'ont pas voulu répondre au diktat parisien. Ils voulaient qu'un homme (ou une femme...) ayant un passé avec eux les représente. Ségolène Royal en doublant son déracinement opportuniste d'une ambition à la présidence de l'Assemblée Nationale (2) a aiguisé un désir certain. Non pas le désir d'avenir creux d'une nombriliste, mais le désir de reconnaissance d'un homme qui essaie d'œuvrer pour le pays (j'entends pays au sens local) dont il est issu. Sans qu'il y paraisse, le choix du second tour renvoie à une problématique bien plus large que le rejet ou non d'un ténor par un petit candidat. Il met en évidence l'aveuglement socialiste devant une inquiétude territorialisée, laquelle inquiétude nécessite, au-delà d'une projection nationale, une écoute locale dont rien ne garantit qu'elle puisse exister avec quelqu'un qui ne rêve que des ors les plus visibles de la République. Dans le fond, le sieur Falorni rappelle à sa manière qu'il ne peut y avoir de démocratie vivante (ou disons un peu moins asphyxiée) sans une inscription des élus dans tous les coins du territoire. Mais il est vrai que les chantres de la décentralisation, depuis Gaston Deferre, ont d'abord usé de ce discours pour établir des baronnies capables de satisfaire (ou calmer) des appétits locaux. N'empêche : on ne peut envisager une respiration démocratique véritable sans respect des anonymes...

    On comprend l'embarras du parti socialiste. Que celle à qui on voulait offrir le perchoir soit effacée de la vie politique, cela fait désordre. Mais il y a plus : c'est clairement la question du rapport au territoire, de l'identité politique qui est posée. Faut-il alors penser qu'il y ait dans ce modeste du lieu un fond de souche que déteste tant le cosmopolitisme de gauche ? L'électeur de La Rochelle ou de l'île de Ré, en se refusant à Royal, rappelle, pour une fois, que la vanité ne peut servir de programme. Il apparaît trop souvent que les ambitions de quelques privilégiés de la mascarade politique n'ont nul frein et peuvent abaisser les humbles, qu'ils soient engagés ou simples votants, à n'être que soumis. Mais il arrive aussi (trop rarement) que la ficelle soit trop grosse, le mépris trop affiché, l'incohérence trop insupportable.

    Si Ségolène Royal doit servir à quelque chose (et cela avant qu'elle ne se retire à l'île de Ré, par exemple, avec Jospin : ils pourront bavarder en faisant du vélo.), c'est bien de servir d'exemple. Elle peut être utile, c'est certain, car son élimination serait une manière, très réduite, je le concède, de revivifier la culture politique, même si je ne suis pas dupe, puisque Juppé, pour le citer à nouveau, est un Phénix magnifique : elle aura envie de revenir. Mais, au moins aura-t-elle été battue par quelqu'un de son camp, ce qui n'est pas rien. Si Ségolène Royal a encore une utilité (ce qui supposerait qu'elle en ait eu une), c'est de nous faire croire encore un peu que la politique n'est pas un jeu sans conséquences. Peu importe, pour le coup, et jusqu'à l'heure de son élection, que le sieur Falorni soit ce qu'il est. Dans le principe du respect de l'électeur, il faut le rappeler, tout ne se réduit pas à un choix entre la peste et le choléra...

     

     

    (1)Petit prétentieux qui se targuait, devant des journalistes le 15 mars, de pouvoir être appelé dans 120 circonscriptions, et qui choisit, comme fait du prince, de défier Marion Le Pen, parce que cela aurait pu redorer son blason de présidentiel battu à plates coutures. Médiocre comme il est, il n'aura pas résisté à un quidam socialiste, ce qui n'est pas peu dire quand on connaît l'incurie de ce parti en ces terres populaires. Et de savoir que c'est un illustre inconnu qui fera mordre la poussière à la grande blonde n'est pas sans saveur, pour qui connaît, comme moi, la région. Les péquenots chtis, ceux que les fachos du PSG et les adorateurs de Danny Boon aiment tant moquer, n'ont pas voulu d'un sénateur révolutionnaire de pacotilles. Ils n'ont pas besoin de Zorro pour exister et c'est tout à leur honneur...

     

    (2)Fruit d'un deal avec son ex, pour afficher son soutien au deuxième tour des primaires...


    Photo : Justynne


    Les commentaires sont fermés

     

  • La République en vente

    Nous avons eu, et d'autres mieux que nous, l'occasion de nous inquiéter de la manière dont la classe dirigeante avait commencé à vendre les bijoux de la nation, considérant qu'il est temps de faire des économies et d'offrir des gages de libéralisme à ceux qui sauront faire d'un monument historique un complexe grand luxe.

    Ce mercantilisme suspect, à la fois moralement (puisque c'est le bien commun qui s'envole) et financièrement (la complaisance politique ne garantissant nullement son intégrité : sur ce point, le passé n'est pas flatteur pour l'engeance élue) n'est pas, loin s'en faut, le seul signe de cet abandon républicain, alors même que les envolées des uns et des autres ne cessent d'affirmer leur attachement à notre histoire. Vaste blague...

    Ce week end, au congrès de l'UOIF, le très sulfureux Tariq Ramadan n'a pas manqué d'air dans la provocation puisqu'il a invité les musulmans à la résistance. J'ai donc attendu, comme tout citoyen français à peu près cérébré, que la classe politique remette cet individu à sa place, l'invite à retourner en Suisse, s'élève contre un propos qui contient les germes d'une guerre civile larvée, et conteste qu'il ait dans ce pays une quelconque chasse aux sorcières touchant les musulmans.

    La droite avait joué les gros bras légitimistes en interdisant, parce qu'elle le pouvait, quatre acharnés de la charia, de l'antisémitisme et du sexisme. Elle avait voulu faire une démonstration électoraliste au profit de son candidat bling-bling qui désirait occuper le champ de la légalité nationale (faut-il écrire nationaliste ?). Mais pour aller plus loin et demander des comptes au sieur Ramadan, plus personne. Que celui-ci place la question sociale à l'aune de son engagement religieux, et qu'il fasse de la République une sorte d'espace crypto-fasciste, qu'il en insulte chacun des membres, visiblement, cela ne dérange personne. Pas en tout cas ceux qui, à l'UMP, chassent sur les terres du FN. Il aurait été pourtant bien venu d'interpeller le sieur Ramadan sur les massacres perpétrés au nom de l'islam devant des églises au Nigéria, sur les brimades et les violences infligées en Égypte aux coptes (lui qui est le petit-fils du fondateur des Frères Musulmans), sur la place de plus en plus réduite des chrétiens et des juifs dans le Maghreb. Il aurait été bon que toute cette bonne conscience national-libéral (Lionnel Lucca, Christian Estrosi et autres bonnimenteurs sans dialectique, hélas) aillent batailler contre celui qui a choisi le camp du communautarisme et de la haine occidentale pour que son message soit ainsi relayé au cœur de la République.

    Mais, pour mener ce combat, il faudrait que les pitoyables rhéteurs de l'UMP aient une vision un peu complexe de ce que sont, entre autres, l'arabe et/ou le musulman. Or, leur posture reste celle du mépris larvé, de l'analyse curieuse d'un phénomène devant lequel ils ne comprennent en fait rien. Ils invitent certes les jeunes gens issus de l'immigration à les rejoindre, à partager avec eux les valeurs qu'ils défendent alors même que toute leur politique consiste à mettre tout le monde dans le même paquet, c'est-à-dire à ne pas soutenir ceux qui, dans les quartiers ou ailleurs, veulent résister au salafisme, au repli identitaire, au communautarisme. On comprend fort bien qu'ils ne puissent pas répondre à Ramadan, parce que le combat des minorités réclamant non pas simplement le droit d'exister mais s'affirmant dans la tradition républicaine ne les intéresse pas. Ils n'y croient pas. Qu'un ministre de la République, à la suite d'une plaisanterie indigne, puisse être condamné sans avoir à démissionner (mais il est vrai qu'en France...), voilà qui nous épargne de longs discours sur le sujet.

    Et la gauche ? La gauche, sur ce plan, est plus encore coupable. Elle manie à la fois la bienveillance stérile et la condescendance habillée des meilleures intentions. Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'elle s'opposât à Tariq Ramadan et qu'elle lui demandât des comptes. Eût-il été une langue bien pendue d'un parti fasciste qu'elle aurait envoyé sa plus garde pour jouer les justiciers... Mais un arabe. Car, pour elle, le délit de faciès fonctionne à l'envers. La couleur de la peau, le nom, l'origine fonctionnent comme des passe-droit. Elle n'est pas capable de penser le sujet arabe. Elle ne le cerne que comme un groupe, un attroupement, une foule. Il a un seul visage. Dès lors, sa parole est sacrée, parce qu'à l'aune de l'anti-racisme, du différentialisme, et de la lutte pour la liberté des peuples (laquelle lutte se réduit peu ou prou à la position choisie en fonction du conflit israélo-palestinien), il ne peut qu'être bon et entrer en conflit avec lui serait verser de l'huile sur le feu, le stigmatiser, se lepeniser... Sait-elle qu'il y en a qui se battent pour que l'on sorte de la caricature ? Connaît-elle Abdennour Bidar, Abdelwahad Meddeb ou même Malek Chebel ? De nom, sans doute, mais ils sont trop à l'écart, trop européens...

    À partir de là, plus rien n'est possible, sinon le mutisme. Lorsque les meurtres dans l'école juive de Toulouse se sont déroulés, tout le lundi a servi à une certaine gauche (SOS racisme en tête, royale bouffonnerie sans autre légitimité qu'elle-même) pour monter au créneau et nous annoncer que nous avions sous les yeux la traduction horrible d'une campagne fascisante. Le lendemain, on apprenait qu'il s'appelait Mohamed Merah : ondes coupées et tentatives pitoyables pour rattraper l'affaire. En l'espèce : ne pas faire d'amalgame. Qui avait commencé le premier ? N'empêche : il fallait absolument retourner la situation. C'est le ridicule Manuel Valls (et ses dents qui raient le parquet) qui s'est fendu de la plus belle des sorties : l'assassin est un « enfant perdu de la république ». Comprenons : les assassins, c'est vous, c'est moi, c'est nous. Responsable de ne l'avoir pas compris, de ne pas l'avoir assez aidé, de l'avoir fustigé, stigmatisé, vilipendé, battu peut-être. Je ne suis plus, pour ma part, à une accusation près. Je prends tout, comme on dit. Faudrait-il considérer Goebbels et ses amis pour des « enfants perdus de la République de Weimar » ? Quand on développe ce genre de dialectique rédemptrice, établissant une stricte égalité entre les victimes et le bourreau, on est dans l'ignominie, et ce, de deux manières. Ignominie vis-à-vis des morts, parce qu'ils ne sont plus q'un élément de comptabilité et vous donnez raison à l'assassin. Sur ce plan, Valls se sera lancé dans une entreprise compassionnelle à l'envers tout à fait intéressante. Qu'il soit pressenti comme ministre de l'Intérieur me donne envie de vomir. Ignominie vis-à-vis des jeunes arabes qui ne se reconnaissent pas dans le geste de Merah et à qui on fait l'aumône d'une compréhension paternaliste écœurante. Il s'agit bien de les maintenir dans leur livrée d'indigène, ainsi que le regrettait il y a près de trente ans Alain Finkielkraut.

    Il faut dire que les réticences de la gauche, à l'époque de l'affaire dite du voile, étaient déjà si belles qu'elles nous préparaient à des renoncements autrement plus terribles. Que l'éventuelle premier ministre Aubry ait appliqué durant huit ans des horaires différenciés dans les piscines lilloises pour complaire aux désiderata islamistes, voilà encore de quoi nous réjouir... C'était, dit-on, pour la bonne cause. Laquelle ?

    Dernier exemple : l'empressement du Sénat passé à gauche à faire passer le droit de vote pour les étrangers aux élections locales. Pourquoi aller si vite ? Était-ce l'élément d'urgence en matière de politique ? Que l'on soit ou non favorable à ce choix (1), ce qui surprend, c'est le timing. Mais il s'éclaire lorsqu'on analyse le glissement progressif du discours de gauche, et notamment socialiste, dans le domaine social. Considérant comme perdu, sur le plan démographique, et donc électoral, la classe ouvrière de la vieille Europe, la gauche rose cherche à fidéliser un électorat jeune et porteur. Elle joue l'esprit démocrate quand ses intentions réelles sont de substituer à l'ouvrier retraité (et bientôt mort) le jeune maghrébin dans sa comptabilité des soirs d'élection.

    Le sieur Ramadan a donc de beaux jours devant lui, parce qu'il est clair que les représentants de la République ont pour ceux qui la composent, dans toute leur diversité, pour ceux qui y sont attachés, dans toutes leurs origines, un mépris souverain. L'horreur à venir est évidemment que cela ne finisse selon des règles de violence assez rudes. Il suffit d'apprendre que Marion Le Pen est aujourd'hui en tête des intentions de vote des 18-24 ans, pour voir se dessiner des heures sombres. Peu importe, je crois, aux dirigeants de la droite classique et de la gauche libérale : ils n'attendent qu'une chose. Que se réalise le rêve de la Trilatérale, des Bilderbergers et de Davos, avec un monde en ébullition constante à la base, et qui n'empêche nullement que l'on fasse des affaires, en haut.


    (1)Je suis contre. Je ne dissocie pas droit de vote et nationalité.

  • Vanités démocratiques

    Adoncques le peuple de gauche s'est choisi son chevalier. Le citoyen Hollande portera hautement les couleurs socialistes. Hollande contre Sarkozy... La médiocrité d'il y a cinq ans n'était pas un hasard malheureux mais le résultat tendanciel d'une dérive démocratique consacrant la bêtise et l'inculture.

    Et de repenser soudain à la statue équestre sise au Campidoglio, celle de l'empereur Marc-Aurèle, sur la place dessinée par Michel-Ange, où il est si bon de passer un après-midi entier à ne rien faire, le dos appuyé contre une colonne, saluant ce temps perdu d'une rêverie qui se nourrit des toitures romaines.

    http://www.insecula.com/PhotosNew/00/00/07/35/ME0000073549_3.JPG.

     

    Marc-Aurèle, l'empereur philosophe, ne rirait pas de ce qui nous arrive. Et de le relire avec joie et profit, en pensant à ces imposteurs de la politique médiatique, dont on n'imagine pas une minute qu'ils pussent écrire une ligne approchant ce qui suit...

    "XLVIII. - Considère sans cesse combien de médecins sont morts, après avoir tant de fois froncé les sourcils sur les malades ; combien d'astrologues, après avoir prédit, comme un grand événement, la mort d'autres hommes ; combien de philosophes, après s'être obstinés à discourir indéfiniment sur la mort et l'immortalité ; combien de chefs, après avoir fait périr tant de gens; combien de tyrans, après avoir usé avec une cruelle arrogance, comme s'ils eussent été immortels, de leur pouvoir de vie ou de mort ; combien de villes, pour ainsi dire, sont mortes tout entières : Hélice, Pompéi, Herculanum, et d'autres innombrables ! Ajoutez-y aussi tous ceux que tu as vus toi-même mourir l'un après l'autre. Celui-ci rendit les derniers devoirs à cet autre, puis fut lui-même exposé par un autre, qui le fut à son tour, et tout cela en peu de temps ! En un mot, toujours considérer les choses humaines comme éphémères et sans valeur : hier, un peu de glaire ; demain, momie ou cendre. En conséquence, passer cet infime moment de la durée conformément à la nature, finir avec sérénité, comme une olive qui, parvenue à maturité, tomberait en bénissant la terre qui l'a portée, et en rendant grâces à l'arbre qui l'a produite".

                                                                Pensées pour moi-même, livre IV

  • L'effet papillon


      Salle de bain, hotel, Sofitel, New-York, hotel, Dominique, Strauss-Kahn, tentative, viol.

    Une salle de bain à New York....

     

     


     

    ... Une douche froide à Paris.

     

    Le jeu de mots est facile, le raccourci plaisant. Un peu comme une blague potache. Mais, au fond, rien qui ne soit autre chose qu'une anecdote, un barbouillage tragi-comique de turbulence pré-électorale. Rien de concret, de vivant, d'ouvert pour qui la vie n'est pas facile (selon le principe d'euphémisation généralisée de l'époque), pour les fragiles, pour ceux qui voudraient de la politique...



  • Porto, le FMI et les socialistes français

    Porto est douce, calme, modeste. Les habitants sont à son image, les boutiques d'une autre époque, et certains lambeaux de rue évoquent la misère que produit le temps sur les mis-à-part du siècle. Porto est pauvre mais digne. Rien qui évoque le luxe, la grandiloquence des villes du centre européen. Les gens travaillent ; on cherche en vain le m'as-tu-vu du fric gagné facilement. C'est pourtant la deuxième ville du Portugal. Mais nous sommes à la périphérie de l'hyper-modernité et cette désuétude apparemment sereine nous attache à elle parce qu'il s'y tapit une fragilité discrète que la rigueur comptable des pouvoirs extra-territoriaux aujourd'hui dominants veut détruire. C'est à ce monde-là que l'on va demander d'être désormais raisonnable, soit : apprendre à être encore plus pauvre, plus étouffé qu'il ne l'est déjà, trompé par l'illusion que son appartenance à l'Europe politique l'avait sorti de l'ornière. À la générosité feinte, dont on sait trop bien qui en a profité, succède, plus que le marasme, la culpabilité d'avoir vécu au-dessus de ses moyens. Après la  Grèce et l'Irlande, Le Portugal est le prochain esclave du FMI.

    Tout cela je le savais, mais de croiser cette semaine ces déjà-perdus de la crise, que nos belles démocraties centrales germano-françaises considérèrent toujours avec un certain mépris (car il n'y eut depuis de Gaulle et Adenauer que l'axe Paris-Berlin à estimer), de les croiser ici, dans cet espace européen qui était censé nous sauver de la guerre, on comprend qu'il est des massacres plus cruels encore en préparation et qu'il serait d'un vanité grotesque de croire qu'ils pussent nous épargner. La paupérisation du plus grand nombre possible d'individus comme ligne politique est en train de s'installer. L'addition sera faramineuse sur le moment. Mais plus encore, en confisquant à la population tout moyen de faire contre-poids, en le conditionnant à se taire devant la menace  d'une autre crise à venir, cette nouvelle situation, décrétée par les grands argentiers et la pieuvre FMI, nous prépare à la barbarie.

    L'austérité a déjà commencé et les socialistes portugais se sont empressés de faire leurs preuves de gestionnaires sérieux. L'ami qui me parle de cette lucidité économique va voir ses revenus amputés de 8,5%, pas moins. Universitaire, il n'est pas, dit-il, le plus à plaindre. Il est comme l'immense majorité de la population un homme qui n'a jamais couru après l'argent. Il n'a pas la fièvre spéculatrice. Il a toujours voulu partager son goût de la littérature. Mais il fait partie de ceux qui paient, et le pire est  à venir.

    Dès lors, entendre des socialistes français se gargariser d'une miraculeuse candidature Strauss-Khan (directeur-général du FMI) comme remède à tous les maux sarkozystes et à la dérive libérale est le dernier avatar de leur bêtise. Quoique ce ne soit plus vraiment de la bêtise à ce niveau, mais de l'obscénité.